Une rare salle médiévale
La source
Le manoir de Damigny est implanté sur un espace fortifié remontant à l’époque de Guillaume le Conquérant. Ce site, au pied d’une pente douce s’abaissant d’une trentaine de mètres, se caractérise par une SOURCE au débit puissant, donnant naissance au Ru du Coisel, affluent sur le proche village de Nonant, de la Seulles, petit fleuve côtier se jetant dans la Manche à Courseulles. Cette source jaillit à proximité du manoir et est à l’origine de cet ancien espace fortifié. C’est tout d’abord un important point d’eau qui servait à l’usage quotidien, mais aussi d’abreuvoir pour les chevaux et le bétail. Elle fut ainsi utilisée jusque vers 1939 alors que le domaine était encore un haras. Cette source joua aussi un rôle essentiel pour établir ici un site défensif. Elle aboutissait, il y a plus de mille ans,, à un petit vallon inondé d’une centaine de mètres de large entre le pied des collines, avant de s’écouler plein sud, et plus loin, dans la vallée où coule le Ru du Coisel, vers l’est, à Nonant où il rejoint la Seulles. Une large nappe d’eau au milieu de laquelle se dressait une île avait envahi ce vallon avant de poursuivre son cours. Cette situation était particulièrement favorable à l’établissement d’un site fortifié. C’est d’ailleurs l’usage assez courant dans notre région du Bessin, la plupart des châteaux forts se situent en point bas, à proximité de cours d’eau, et sont en général entamés de nappes aquatiques comme à Colombières, Argouges, Maison, ou Vaucelles entre autres.
Les seigneurs
Recherches historiques et documents conservés aux Archives du Calvados nous ont permis de remonter jusqu’à 1150 l’histoire des seigneurs de Damigny, et de son manoir. Cette année-là, un certain Robert achète à Guillaume de Glos ce domaine, probablement fortifié par des palissades en bois un peu plus d’un siècle plus tôt. Il se compose alors d’une BASSE-COUR dans laquelle se dresse le manoir, précédent la nappe d’eau entourant l’îlot fortifié avec la HAUTE-COUR, ultime réduit défensif où se dressera plus tard, une chapelle. La petite fille de Robert Mabille, épouse Gauthier du Plessis et fait entrer cet ensemble fortifié, qui sera qualifié de “quart de fief de Haubert”, dans la famille DU PLESSIS, famille noble de Damigny. La branche de Damigny étant cadette, se caractérise par une “brisure”dans ses armoiries. Ainsi, à Guillaume de Glos succède Robert puis, après le mariage de sa petite fille Mabille à Gauthier du Plessis (ou du Plessis), probablement vers 1200, cette famille va marquer de son empreinte l’histoire et le patrimoine de ce manoir.
Retour vers le XIIIᵉ siècle
Ainsi, vers 1230, GAUFFROY du PLESSIS, chevalier, donne une terre à la proche abbaye de Mondaye récemment fondée “une vergée de terre située à Nonant aux Longs Champs, entre le village de Neuville et Cachy”. Ce don semble correspondre à la période où fut édifié l’exceptionnel manoir, remarquablement restauré, que nous pouvons encore admirer. Ainsi, aux XIIᵉ et XIIIᵉ siècles, se sont dressés, de part et d’autres de la Manche, dans ce qui était alors le royaume anglo-normand, issu de la conquête de Guillaume le Conquérant, en 1066, des manoirs, d’une bonne centaine de mètres carrés au niveau du sol, édifiés sur deux niveaux. Le premier était dévolu au stockage, l’étage était attribué au logis du seigneur et de sa famille. On accédait à ce niveau par un escalier extérieur, principalement pour des raisons défensives — toutes les fenêtres de cet étage étaient munies de barreaux (dont certains subsistent ici). Edward Impey, spécialiste britannique, qui a été conservateur de la tour de Londres, a étudié ces manoirs, nombreux en Angleterre et en a relevé une douzaine en Normandie, plus ou moins complets. Celui de Damigny est venu s’ajouter à la liste et a fait l’objet d’une étude minutieuse et d’une restauration qui s’est étalée sur seize ans, achevée en 2022. Plutôt que dans le réduit défensif de la haute-cour, les lignées de seigneurs ont surtout résidé dans ce manoir. Leur logis se dressait à proximité de la source.
En 1339, Guillaume du Plessis, époux de Jeanne de Couvrechief, dame de Lion et de Basly, fonde, à l’intérieur de la haute-cour, une chapelle dédiée à la Vierge Marie. Alors que cette dernière a disparu à la fin du XVIIIᵉ siècle, sa sœur jumelle, construite à la même époque, est la chapelle seigneuriale de l’église de Nonant, son actuel transept, avec son caveau funéraire des seigneurs de Damigny. Le château sera mis en état de défense en 1372 durant la guerre de Cent Ans. Et à cette époque, Lucas de Longaunay un chevalier breton, compagnon de Bertrand du Guesclin, originaire du fief éponyme, Longaunay près de Bécherel, arrive à Damigny vers 1380. Il y épouse Agnès du Plessis, fille unique du seigneur. La lignée va se prolonger par cette famille. Les Longaunay prennent la suite des du Plessis. Ils vont s’illustrer jusqu’à la fin du XVIᵉ siècle avec Jean III de Longaunay qui sera chef de la Ligne dans la région. Par les femmes, les seigneurs sont de plus en plus prestigieux, mais aussi de plus en plus lointains, jusqu’à Hercule Meriadec, Le Prince de Rohan vend, le 14 mai 1714, à Nicolas-Joseph Foucault, marquis de Magny”, le fief, terre et seigneurie Damigny, sise à la paroisse de Nonant près de la ville de Bayeux ”. Mal entretenus, les bâtiments vont se dégrader et l’ancien château fort sera transformé en château résidentiel dans la haute cour, la nappe d’eau étant en partie remblayée. Le manoir est transformé en bâtiments agricoles avant de l’être en bâtiments industriels entre 1939 et 1999.
Le manoir
Ce manoir, alors débarrassé de sa gangue industrielle, va être restauré dans un état proche de celui des origines, avec son décor peint. On y accède maintenant par un escalier en bois magnifiquement restitué de la fin de l’époque romane. En haut de l’escalier, depuis la logette, la porte aux belles pentures vous permet de pénétrer dans ce logis d’une surface de 210 m² avec sa grande salle de réception (aula) avec sa cheminée sculptée et peinte, et son lavabo à trilobes (à sa gauche), typique du début du XIIIᵉ siècle. Les murs sont couverts d’un décor peint, restitution fidèle du décor de celui de l’église de Nonant, dont les liens étaient étroits avec les seigneurs de Damigny. Une salle de banquet médiéval y a été installée. À l’ouest a été restitué l’espace privé, la chambre (camera) du seigneur et de sa famille. La visite de cette salle est un événement unique dans le grand Ouest. Elle a accueilli plus de 400 personnes en une après-midi lors des journées du patrimoine.
Les hôtes du gîte, sur simple demande, peuvent visiter ce manoir, accolé au gîte, ou même profiter d’un apéritif médiéval avant leur départ.